Au procès du couple dépeceur, « un tourbillon de cauchemars »

à la UneAu procès du couple dépeceur, « un tourbillon de cauchemars »

Le procès d’un couple chinois, accusé d’avoir tué et dépecé les parents d’un nourrisson dont ils avaient la garde et qui est décédé accidentellement, s’est conclu le 22 janvier dernier par la condamnation de la nounou à 20 ans de réclusion criminelle et l’acquittement de son conjoint.

Le jeune couple de trentenaires chinois qui comparaît aujourd’hui devant la Cour d’assises de Paris semble bien assorti, lui avec son cardigan marron glacé et ses fines lunettes rectangulaires, elle avec ses cheveux bien lissés et sa veste de tailleur, tous deux avec cet air sérieux. Mais, immobiles dans le box, Te (le mari) et Hui (la femme) n’échangent pas un mot. La stupeur ne les quitte plus depuis la nuit du 23 mai 2012 lorsque, selon leurs dépositions, Hui se saisit d’une hachette et tue dans son propre appartement les deux parents d’un enfant dont elle avait la garde. Lire la suite « Au procès du couple dépeceur, « un tourbillon de cauchemars » »

Couple dépeceur (4/4) : la nounou condamnée à 20 ans de réclusion, le mari acquitté

La cour d’assises de Paris a condamné vendredi 22 janvier 2016 à 20 ans de réclusion criminelle la nounou chinoise – qui a tué les parents d’un bébé mort accidentellement pendant sa garde – et acquitté son mari – qui l’a aidée à faire disparaître les corps.

20 ans pour elle et l’acquittement pour lui, le verdict est tombé tard vendredi 22 janvier, après plus de sept heures de délibérations. Les six jurés parisiens et les trois magistrats de la Cour d’assises ont finalement suivi les réquisitions de l’avocat général qui demandait de condamner la nourrice, Hui, pour homicides volontaires, et d’acquitter son mari, Te, tous deux accusés d’avoir tué les parents du petit Lucas, décédé accidentellement à l’âge de deux mois et demi.

« Une agression sauvage »

Dans le public une cinquantaine d’intéressés tendent l’oreille, ce vendredi matin, au dernier jour du procès « des dépeceurs chinois ». La star du barreau de Lille, Eric Dupond-Moretti, est venue défendre le mari (Te). Lire la suite « Couple dépeceur (4/4) : la nounou condamnée à 20 ans de réclusion, le mari acquitté »

Couple dépeceur (3/4) : « Elle a trouvé de l’énergie dans le désespoir »

Le 3e jour du procès des « Chinois dépeceurs » était en majeure partie consacré à l’interrogatoire de Hui, qui s’accuse d’avoir porté les coups de hachette sur un autre couple, et de Te, qui dit l’avoir aidée à enterrer les corps.

La présidente Jacqueline Audax avait prévenu les jurés avant que ne débute la session d’assises :

« Vous pouvez changer d’avis. C’est difficile : vous pouvez avoir le sentiment de ne pas savoir ».

Qu’ont-ils ressenti, après avoir successivement vu les photos des victimes, puis écouté Hui et Te pleurer, l’une avouant avoir tué ce couple qu’elle appréciait et l’autre n’avoir pas su empêcher « un engrenage infernal », comme il dit, depuis la mort accidentelle du bébé jusqu’à la scène de lutte qui coûtera la vie aux parents ?

Pour connaître les circonstances du crime : « Elle a lancé la hache sur le père« 

Les interrogatoires des deux accusés permettent de lever le doute sur certains mystères qui demeuraient encore au 3e jour du procès. Lire la suite « Couple dépeceur (3/4) : « Elle a trouvé de l’énergie dans le désespoir » »

Couple dépeceur (2/4) : « Nous n’avons aucune photo d’elle »

La tristesse a aujourd’hui gagné la cour d’assises de Paris au procès du couple chinois qui a tué les parents d’un enfant dont ils avaient la garde. Les proches des victimes sont venus parler des disparus.

Au procès dit des « dépeceurs chinois », les dernières personnes qui ont croisé Ying, tuée avec son mari Liangsi par la nounou et son concubin, sont venues témoigner à la barre avec timidité et pudeur mais aussi avec prudence.

Pour connaître les circonstances du crime, lire Elle lance la hache sur le père

Les anecdotes retracent les derniers jours de Ying, l’une des deux victimes, qui profitait d’un peu de liberté après sa grossesse. Selon les us et coutumes chinoises, une jeune mère ne doit pas sortir pendant le premier mois suivant l’accouchement. Ying commençait tout juste à retrouver une vie sociale, rencontrer d’autres mamans et faire des courses ensemble. Lire la suite « Couple dépeceur (2/4) : « Nous n’avons aucune photo d’elle » »

« Je suis la 2e victime de Zénon »

à la Une« Je suis la 2e victime de Zénon »

Le 15 janvier 2016, la Cour d’assises de Paris acquittait Téodor du meurtre d’un SDF, Witek, commis il y a 15 ans au sein d’une communauté polonaise alors en proie à la violence. Le parquet général n’a pas formé appel.

« Je suis catholique : je ne prendrais jamais la vie de quelqu’un. Ce n’est pas moi ».

Ce sont les derniers mots de Téodor avant son acquittement par la Cour d’assises de Paris le 15 janvier 2016. Son histoire est celle d’un ex-boxeur polonais qui lutte depuis son arrivée en France en 1999 à l’âge de 31 ans pour ne pas être aspiré par la violence et la marginalité.

Il y est presque parvenu. Il a travaillé dur comme maçon et rencontré une française, Chantal, avec laquelle il vit sans jamais parler de ses années de galère. L’avocate générale Annie Grenier le concède : « L’homme que vous jugez aujourd’hui n’a rien à voir avec celui de 2000. » Avec son beau-frère Patrick, il entreprend même de retaper la maison de campagne familiale. Lire la suite « « Je suis la 2e victime de Zénon » »

« Il a compris le mot Tour Eiffel »

« Il a compris le mot Tour Eiffel »

L’interprète traduit pour Cissé les questions du juge en Wolof, un dialecte sénégalais :

– Acceptez-vous d’être jugé aujourd’hui ?
– Aujourd’hui, répond l’interprète.
– Avez-vous compris ce qu’a expliqué Mme la procureure ce matin ?
– Rien.
– Vous vous souvenez que je vous ai dit que vendre des tours Eiffel est interdit ? Et moi je ne parle pas le Wolof.
– Oui, il a compris le mot tour Eiffel.

Des tours Eiffel, Cissé en portait sous son manteau deux grandes, deux moyennes, trois petites et aussi 114 porte-clefs. Il tentait de les vendre à la sauvette place du Carrousel du Louvre quand il s’est fait prendre par la police.

En récidive ! En récidive ! En récidive ! En récidive et en séjour irrégulier, scande le président. Les deux infractions, en récidive !

Au moins Cissé n’a pas volé. Même la procureure le souligne :

Il ne faut pas vendre des tours Eiffel. Mais en même temps, on s’aperçoit que ce n’est pas un délinquant. Il fait ce qu’il faut pour survivre.

Elle demande 6 jours d’amende à 5 euros. Cissé veut rentrer en Italie où il mène des démarches pour renouveler son titre de séjour. Pourquoi est-il revenu en France malgré la récidive ?

En Italie, il y a le chômage. Avec le changement de gouvernement [en France], on m’a dit que je pouvais revenir » avait-il expliqué benoitement aux policiers.

Pour lui, le tribunal se montre clément : 98 € pour frais de procédure – avec une remise de 20 % s’il paie tout de suite – et, surtout, pas d’exécution provisoire. Il sort libre du tribunal.

Pierre Anquetin

« La police est là pour ça. »

« La police est là pour ça. »

Comparutions immédiates

Les trois magistrats du tribunal se sont réparti les dossiers et dirigent l’audience à tour de rôle. C’est au tour de la présidente. Elle reste immobile, sans expression mais sa voix porte. Elle voudrait calmer l’agitation qui a saisi les avocats et l’interprète.

La présidente (à Mohammed) : Vous êtes la victime ?
Mohammed :
La présidente (à tous les autres) : Si je vous dérange, vous me prévenez !
Un avocat : On cherche le prévenu.
La présidente : Il est là !
L’avocat : Mais non, c’est la victime.
La présidente : Ah c’est la victime ? Et le prévenu ?
L’avocat : Le prévenu ne s’est pas présenté.

Le prévenu, Rachid, n’a pas répondu à sa convocation car il est sans papier. Et sans logement fixe depuis qu’il a été chassé de l’appartement coloué avec Mohammed, la victime, rue Saint Fargeau, Paris 20e. Il est parti sans avoir payé ses loyers, ni rendu les clefs et plein de menaces envers Mohammed. Il a déjà été jugé pour menace et placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de se présenter rue Saint Fargeau.

Une nuit, il revient pourtant avec deux amis, « pour fumer du cannabis », raconte Mohammed :

Il m’a menacé d’un couteau. Il a dit qu’il se foutait de tout. Il a répété deux ou trois fois : Je vais te tuer ! Toujours avec le couteau dans la main, il m’a cogné la tête contre le miroir.

Mohammed se réfugie au commissariat, accompagné d’un voisin qui pourra témoigner. La police retrouve Rachid quelques rues plus loin. Mais aucune plainte pour menace n’est enregistrée, ce qui rend les juges impuissants. Seule l’interdiction d’approcher le logement peut aujourd’hui donner lieu à condamnation.
La présidente à Mohammed :

– Pourquoi vous n’avez pas porté plainte ?
– Je n’ai pas compris la procédure.
– Si vous aviez porté plainte, il aurait été convoqué et mis en détention tout de suite.
– C’est pour ça que je me présente aujourd’hui.
– Il n’est pas là aujourd’hui. La prochaine fois qu’il viendra – il va sans doute revenir -, vous portez plainte.
– Je veux être protégé.
– La police est là pour ça.
– Et surtout pour récupérer mon loyer…
– Le tribunal n’est pas saisi pour ça.

Il condamne Rachid à 6 mois de sursis et une interdiction du territoire de deux ans. « Si Monsieur porte plainte en cas de nouvelle menace, les six mois peuvent être révoqués » précise la présidente à un Mohammed furieux.

Pierre Anquetin

L’agitateur en papier

En écoutant plaider son confrère de la partie de civile, l’avocate de la défense s’agite et s’agrippe à son banc : elle est excédée. Son client est blème, posé mais pas vraiment serein. Il comparaît devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris pour complicité de délit de diffamation en raison de propos tenus à l’AFP puis publiés.

Il a derrière lui tout le soutien de la CGT dont il est délégué syndical. Il a face à lui son propre employeur, la société AGO, propriétaire des Bistro Romains et en particulier du restaurant situé au 122 boulevard des Champs-Elysées.

Au coeur de l’affaire, une dépêche AFP qui annonce le 24 avril 2008 :

Des individus ont investi l’établissement sous l’impulsion de la CGT et de Droits Devant pour réclamer la régularisation des sans-papiers.

La journaliste de l’AFP a interviewé un jeune syndicaliste qui participe au mouvement, Christophe Cosmano, et le cite : « Mardi, vers 17 heures, la direction a fermé les portes du restaurant, ne laissant pas sortir la trentaine de salariés qui étaient à l’intérieur ».

Cosmano le rouge ?

La presse, la radio s’en font écho. Europe 1 claironne :

Champs-Elysées, une trentaine d’employés enfermés dans un restaurant.

L’évènement enrichit alors la chronique d’un mouvement qui bat son plein pour la défense des travailleurs sans-papiers. La CGT distribue des tracts sur les grands boulevards ; le Bistro Romain n’est pas le seul établissement à connaître une occupation.

Dans la tourmente, la société AGO protège son image et ses intérêts : elle ne déloge pas les sans-papiers, elle constitue leur dossier de régularisation, elle dépêche des huissiers présents sur les lieux 24 h sur 24. Puis, ignorant les organes de presse, elle poursuit le seul Cosmano en justice.

Dans le prétoire, l’avocat d’AGO joue au funambule pour mieux attaquer :

Ce n’est pas parce qu’une cause est respectable et respectée qu’il faut diffamer […] Ce n’est pas parce que des portes qui étaient ouvertes sont ensuite fermées qu’il y a séquestration. Le plus grave, c’est que Christophe Cosmano le sait ! Il est là, sur le terrain. Il est l’animateur… pour ne pas dire l’agitateur !

Pour Maître Tabet, Cosmano a manqué de prudence, il était habité par une « animosité personnelle », il a menti sciemment : il a donc diffamé. Mais la brillante plaidoirie ne parvient pas à éclipser le défilé des dix témoins que l’avocate de Cosmano a fait citer à comparaître devant le tribunal.

De la plonge à la barre

Zahïa, Djibril, Djimo et les autres viennent raconter avec fébrilité les relations sociales au sein d’AGO, le travail sans les papiers, la mobilisation collective, la grève, l’occupation qui dure encore le jour de l’audience, 6 mois après le début du conflit. L’huissier les invite à se couvrir d’un manteau pour attendre dans la pièce réservée aux témoins, « où il fait glacial ». La présidente aussi prend soin d’eux. Elle explique, quand il le faut, comment on doit s’y prendre pour bien prêter serment.

– Je le jure devant Dieu, dit celui-là en dressant un doigt vers le ciel.
– Non, ici la justice n’a rien de religieux, dites juste « je le jure. »
– Je le jure.
– Bien, et levez la main droite. »
« – Votre profession ? Demande-t-elle à un autre.
– Ma profession, elle a fermé la porte !
Le tribunal et le public s’amusent. Maître Taraud, l’avocate de Cosmano en profite :
– Et si vous nous disiez quelle était cette porte qui était fermée ?

Avec ou sans papiers

A chacun des témoins elle pose la même question.

– Votre employeur savait-il que vous étiez sans papiers ?
– Oui, ils utilisaient des papiers qui n’étaient pas à moi.
Ou bien :
– C’était de vrais papiers mais ce n’était pas moi.

Au Bistro Romain des Champs-Elysées, 80 % du personnel est d’origine étrangère selon le responsable de l’établissement. Mais il ignorait « avant le mois de mai » que certains étaient sans papiers.

Je ne sais pas s’il faut dire « sans-papiers », tente l’avocat d’AGO. Ce sont des personnes qui sont allées voir un employeur en lui donnant de faux papiers. Vous le savez bien, Madame la présidente, une photo c’est une photo…

En introduction Madame la présidente avait demandé à Cosmano :

– Sur les 1 200 salariés que compte AGO, combien sont d’origine étrangère ?
– Je ne sais pas.
– La moitié ?
– Un peu moins…

Porte ouverte ou fermée

« Le 20 avril, pouviez-vous entrer et sortir du restaurant ? » En interrogeant avec précision tous les témoins, Maître Tabet parvient à démontrer que non, les salariés n’étaient pas enfermés.

Pas physiquement du moins : « On nous a dit : si vous sortez, vous ne rentrez plus » répètent les témoins. Maître Taraud veut d’ailleurs retourner l’accusation contre le responsable du restaurant :

Comment pensez-vous que les salariés réagiriez si vous leur demandez de partir chercher leurs papiers, sachant que la direction avait signifié qu’une fois sortis, ils ne rentreraient plus ?

Procès anachronique ou nouveau conflit

Sortir c’était perdre leur droit à la revendication plaide-t-elle finalement.

Depuis la loi Hortefeux qui permet aux titulaires d’un contrat de travail d’obtenir des papiers, ce n’est plus dans les églises que l’on défend les sans-papiers mais dans les entreprises.

Pour elle c’est le procès d’un autre âge qui tend à faire porter sur un seul syndicaliste la responsabilité d’un conflit collectif.

Le jugement sera rendu le 15 janvier 2009. La procureur a requis en faveur du prévenu. Elle semble lui concéder l’exception de bonne foi en signalant subtilement que, dans la confusion de ce premier jour de grève, un autre journaliste a porté sur les évènements la même analyse que Cosmano. Elle rappelle que la jurisprudence reconnaît à un syndicaliste le droit à l’usage d’un ton assez vif.

En six mois, les 3/4 des grévistes du Bistro Romain des Champs-Elysées ont été régularisés. Les 10 témoins, d’abord timides, repartent fiers d’avoir porté leur voix au sein la 17e chambre et, sans doute, d’avoir aidé Cosmano à leur tour.

Pierre Anquetin