Catégorie : Place du Tribunal
« Un chef ne va pas à un braquage »
« A-t-elle été humiliée ou violée ? »
Le 5 décembre 2008 une jeune femme de 26 ans, Amélie, se présente à la brigade des mineurs de Paris. Elle vient porter plainte contre deux hommes, Guido et Romain. Elle les accuse de l’avoir violée neuf ans plus tôt, dans la soirée du 19 novembre 1999, à Paris dans le studio de Guido. Elle avait 17 ans et eux à peine 20. Lire la suite « « A-t-elle été humiliée ou violée ? » »
Au procès des Anonymous : « le prochain Jean Moulin sera un geek »
Trois ex-Anonymous âgés de 22, 25 et 26 ans comparaissaient le 23 février 2016 devant le tribunal correctionnel de Paris pour avoir piraté des sites Internet gouvernementaux et mis en ligne les données personnelles de 541 fonctionnaires de police.
Ils sont tout endimanchés, ces fameux hackers aux visages jusqu’alors inconnus, Quentin, Florent et Lucas, alignés ensemble devant le tribunal correctionnel pour répondre des faits de piratage informatique et de divulgation d’informations personnelles en février 2012. Sunki, Robert69 et Calin – leurs pseudonymes à l’époque – étaient âgés de 19, 22 et 23 ans et se réclamaient des Anonymous, communauté de hackers plus ou moins actifs selon leur engagement et leurs compétences. « Vous allez entendre parler de nos amis policiers », tweetait Calin. Mais ce sont eux qui ont eu affaire à la DCRI, puis à la justice qui leur reproche aujourd’hui d’avoir piraté le site du syndicat SGP Police FO, extrait et mis en ligne les noms, prénoms, numéros de téléphone, adresses email de 541 fonctionnaires de police, et d’avoir « défiguré » les pages d’accueil des sites immigration.gouv.fr, modernisation.gouv.fr et rgpp.modernisation.gouv.fr consacré à la diminution des dépenses de l’Etat.
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« On essaie de nous faire croire qu’il y a eu mise au placard »
Conseil des prud’hommes de Paris, section Commerce
Flore a été licenciée des Galeries Lafayette après un congé maladie pour dépression. Petite femme approchant la quarantaine, elle paraît impressionnée par le conseil des prud’hommes.
S’est-elle sentie délaissée puis isolée après le départ de son chef, comme elle le dit ? Ou bien a-t-elle cherché une porte de sortie après de trop longues années au service de l’enseigne ? Les conseillers devront choisir pour lui accorder ou non la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur avec, à la clef, 48 000 euros de dommages et intérêts.
Elle a seulement 18 ans quand elle rentre aux Galeries en 1996 comme vendeuse. Elle est heureuse de trouver une place. Lire la suite « « On essaie de nous faire croire qu’il y a eu mise au placard » »
Au procès du couple dépeceur, « un tourbillon de cauchemars »
Le procès d’un couple chinois, accusé d’avoir tué et dépecé les parents d’un nourrisson dont ils avaient la garde et qui est décédé accidentellement, s’est conclu le 22 janvier dernier par la condamnation de la nounou à 20 ans de réclusion criminelle et l’acquittement de son conjoint.
Le jeune couple de trentenaires chinois qui comparaît aujourd’hui devant la Cour d’assises de Paris semble bien assorti, lui avec son cardigan marron glacé et ses fines lunettes rectangulaires, elle avec ses cheveux bien lissés et sa veste de tailleur, tous deux avec cet air sérieux. Mais, immobiles dans le box, Te (le mari) et Hui (la femme) n’échangent pas un mot. La stupeur ne les quitte plus depuis la nuit du 23 mai 2012 lorsque, selon leurs dépositions, Hui se saisit d’une hachette et tue dans son propre appartement les deux parents d’un enfant dont elle avait la garde. Lire la suite « Au procès du couple dépeceur, « un tourbillon de cauchemars » »
« Celui-là, ce n’est pas un salafiste »
Comparutions immediates, chambre 23-2
Cette nuit-là, vers deux heures du matin, Fayçal titube à quelques pas du commissariat de la Goutte d’Or, dans le 18e arrondissement. Tout à fait éméché, il sourit, hoche la tête et… garde une main dans la poche. Il n’en faut pas plus aux policiers pour le contrôler puis le chasser un peu plus loin. Mais Faycal revient provoquer les agents : « Hallahou Akbar ! T’inquiète, j’ai des 762 ! Allahou Akbar ! » Il finit le week-end au poste, non sans avoir résisté, et le voilà devant le tribunal.
Le procureur : C’est quoi 762 ?
Fayçal : C’est une arme.
Le procureur : Quoi comme arme ?
Fayçal : Une kalachnikov.
Le procureur : Les policiers savent ce que c’est, eux.
Fayçal : Oui c’est sûr. Mais c’est dans la chanson.
C’est dans la chanson du rapeur Lacrim, que Fayçal écoutait au pied du commissariat. Il n’a fait que chanter les paroles à haute voix, confirme son avocat :
« Celui-là ce n’est pas un salafiste. Il boit, il fume, il… il sort. (…) Huit mois avec mandat de dépôt, pour quoi ? Pour une chanson fredonnée ? »
Dans le box des prévenus, Fayçal pleure et jure : « J’ai jamais émis d’apologie ! »
En fin de garde à vue, les policiers ont renoncé au chef de prévention d’apologie du terrorisme et déféré Faycal pour menace et rébellion. Son casier judiciaire ploie sous les condamnations pour violences, menaces, outrages… La dernière date de mai 2015 : 8 mois fermes et 10 avec sursis après avoir menacé de mort un policier. Il suffit aujourd’hui au procureur de requérir la révocation du sursis.
Fayçal est relaxé pour les menaces mais condamné pour rébellion à 5 mois fermes, sans mandat de dépôt : il devra se présenter devant un juge d’application des peines et, surtout, éviter les provocations.
« Une cabale pour obtenir la tête de ces quatre » 2/2
Le procès qui oppose quatre syndicalistes de la CGT Energie et trois cadres d’ERDF pour des troubles sociaux survenus en 2008 s’est clos hier sur les plaidoiries des avocats et le réquisitoire. Les peines demandées se révèlent symboliques mais une condamnation pourrait donner des armes à ERDF pour évincer certains militants trop coriaces.
Lire les témoignages dans la chronique précédente :
« La direction doit passer en conseil de discipline » 1/2
Aujourd’hui, dans cette audience en continuation de la 31e chambre, le coeur n’y est pas. Les attentats qui ont frappé Paris le week-end dernier raisonnent encore dans les esprits. Sur les visages fatigués, l’émotion reste visible. Plus personne n’a vraiment envie d’en découdre mais le tribunal est réuni et il faut bien plaider, il faut bien requérir.
La partie civile – Catherine, Sylvie, mais aussi le directeur de l’agence ERDF – réclame un euro de dommages et intérêts pour entrave à la liberté du travail.
Le Parquet requiert en plus 1 500 euros d’amende pour le meneur du mouvement, 1 000 euros pour les autres, 500 euros pour celui qui a diffusé la vidéo de la mobilisation sur Internet.
« Ce n’est pas le maximum de ce que prévoit la loi » fait remarquer la procureure.
Et si l’enjeu résidait ailleurs, alerte Maître Gosset pour la défense ?
« La demande d’un euro symbolique est une prise de position publique mais qui, en réalité, cache une cabale, un système qui a été organisé pour obtenir une chose : idéalement la tête de ces quatre mais surtout la tête de Franck L. »
Le délit d’entrave à la liberté du travail serait avéré si les avocats de la partie civile parvenaient à démontrer que, les 14 et 15 février 2008, le préavis de grève contre le licenciement de Djamila n’était pas régulier, qu’il y a eu concertation, que des menaces ou des voies faits ont été exercées, ou des dégradations commises.
Pour Maître Delcourt, en l’absence de préavis de grève, « le mouvement est illégal. » Il rappelle les moyens déployés par les syndicalistes pour bloquer l’activité du service. Dans un petit effet d’audience, il jette le doute sur les attestations de salariés certifiant avoir eu la liberté de travailler : les signatures ne ressemblent pas à celles des papiers d’identité, accuse-t-il, en distribuant les photocopies aux juges. Enfin, il nous raconte une scène digne des grèves de 1936 :
« Tout cela était très, très, très minutieusement préparé ! On a un caddie plein de provisions pour permettre de s’installer sur place. On fait venir des gens pour préparer ces deux jours et organiser les festivités. On appelle Serge pour parler des grands anciens, pour que les autres se reposent et puissent penser à autre chose. Pendant que Mme B., elle, restait sous un feu roulant. Et puis on a des menaces, des voies de fait. On peut trouver dans chaque PV, dans chaque constat, dans chaque audition des preuves de ces menaces ».
Faisant porter l’essentiel de la culpabilité sur Franck et Véronique, Me Delcourt conclue gravement : « Relaxer, c’est dire : vous pouvez continuer ainsi ».
La réplique ne tarde pas. Me Gosset brandit la pièce 3 cote 6 :
« Un préavis de grève tout à fait régulier ! Oui, ils se sont concertés pour un mouvement de grève. Comment voulez-vous organiser une grève sans vous concerter ? »
Mais pas pour couper l’électricité, menacer ou interdire aux non grévistes d’aller travailler, promet l’avocat du syndicat.
Il doit son argument le plus solide à la jurisprudence, d’ailleurs oubliée par la partie civile, un arrêt de la Cour de cassation du 3 juin 2008 pour des faits « bien plus graves » – la fouille dans les tiroirs du directeur départemental des Affaires maritimes, des pétards qui explosent, une séquestration, un médecin interdit de passer…
Et pourtant, « le simple trouble apporté à l’activité professionnelle » ne saurait valablement conduire à la constatation du délit d’entrave, opposait la Cour.
Imitant le ton de son confrère, Me Gosset conclue :
« Si vous rendez une décision de condamnation, vous allez rendre une décision qui va faire grand bruit, qui va faire trembler… »
Le 12 janvier 2016, Serge et Franck sont tous deux reconnus coupables d’entrave concertée à la liberté du travail, avec menace pour le premier, mais aussi avec violence ou voie de fait pour le second.
Ils sont condamnés à 1 000 euros d’amende avec sursis chacun. Ils devront verser 1 euro de dommages et intérêts à chacune des parties civiles : Catherine, Sylvie, ERDF et GRDF. Tous les autres prévenus sont relaxés.
« Le saladier américain, c’est comme une tontine »
Comparutions immédiates
Dans cette petite affaire de trafic de cannabis, la présidente examine les faits minutieusement avant de juger Moussa et Diabi, deux jeunes compères à la mine contrite, installés côte à côte dans le box. Elle compte sur la solennité du tribunal et le rythme lent de cette audience pour les impressionner.
Chevauchant un scooter, Diabi fuit la police avant d’être rattrapé puis testé au cannabis. Résultat : 3,2 ng de THC dans le sang. Convoqué devant la justice une première fois, il ne se présentera. Mais le voilà de nouveau arrêté quelques jours plus tard. Il fait le gué dans la Cité rouge, rue de l’Ourcq à Paris, tandis que Moussa vend des sachets d’herbe et de la résine. Les policiers les embarquent ensemble. Diabi détient sur lui 3,8 g d’herbe, 137 g de cannabis, 315 euros, et Moussa 80 euros. On retrouve à proximité un peu d’herbe, un peu de résine.
La présidente se montre particulièrement attentive à la dépendance de Diabi au cannabis : « Vous êtes passé de 7 joints par jour à 2 ». Est-ce pour financer sa consommation qu’il devient intermédiaire ? Ce soir-là, il se charge d’acheter et de livrer du cannabis pour les participants à une soirée. Il a récolté 315 euros pour « faire un saladier américain ». A l’audience, l’un des juges entreprend la traduction :
– Le saladier américain, c’est comme une tontine, on se met à plusieurs pour faire un achat. Et vous nous dites que vous ne vendez pas.
– Non, je ne vends pas.
– Il y a des acheteurs mais pas de vendeur !
– (silence)
Quant à Moussa, il ne peut nier les ventes. La brigade des stupéfiants intervient alors qu’il reçoit quelques billets des mains de Mme Tourtel, une cliente. Et il a été dénoncé par M. Brown, un autre acheteur, arrêté quelques minutes plus tôt avec deux sachets d’herbe en poche. M. Brown décrit « un vendeur avec du métal sur les dents. Il était très grand ».
– Avez-vous un dispositif dentaire particulier ?
– J’ai des dents en argent.
– Le descriptif vous correspond.
– Au niveau dentaire oui.
– Vous mesurez combien ?
– 1m85.
L’avocat s’appuie sur les maladresses des prévenus : faire du trafic dans la Cité rouge, connue pour être assidument surveillée par la police, constitue bien la preuve de leur inexpérience. Ce ne sont pas des businessmen des stupéfiants. D’ailleurs, ils ne prennent pas de marge !
Contrairement à Moussa, Diabi compte sept condamnations à son actif (vol, recel, violence…) et risque une peine plus lourde, surtout si le délit de trafic est constitué. Son avocat le présente avant tout comme un consommateur. « Il n’a jamais fait de détention. On sait bien que ce n’est pas la prison qui va le guérir. Et il n’est pas totalement détaché du tissu social ».
Petites saisies, petites peines mais longues mises à l’épreuve : 8 mois de sursis et 5 ans de mise à l’épreuve pour Moussa. Pour Diabi, 8 mois de sursis, 3 mois fermes sans mandat de dépôt qui feront l’objet d’un aménagement de peine, et 2 ans de mise à l’épreuve. « Mais attention si vous vous ne présentez pas ! », avertit la présidente.
« Merci, merci… », sourient en coeur Moussa et Diabi.
Pierre Anquetin
« Aviez-vous conscience que cette voiture était en train d’être volée ? »
Voilà trois jeunes voleurs assez maladroits pour se faire cueillir par la police en pleine nuit, dans un parking du 16e arrondissement de Paris, au volant d’une Range Rover noire à la vitre brisée…
Deux d’entre eux ne reconnaissent pas le vol et soutiennent une autre version : un inconnu rencontré dans un club leur a demandé de récupérer sa voiture, moyennant 100 euros chacun. Ils ont trouvé la vitre déjà cassée.
– Quand on est rentrés dans la voiture, c’était trop tard.
– Il n’est jamais trop tard avant de commettre un délit, Monsieur », coupe la juge.
Derrière les prévenus, leur trois avocats, guère plus âgés, costumes ajustés sous la robe, se tiennent debout. Il affichent des mines sérieuses mais dissimulent mal leur accablement devant la cascade de mensonges. L’un d’eux se glisse auprès de son client pour l’interroger :
« – Etiez-vous conscient que le véhicule était en train d’être volé ?
– Mmm
– C’est oui ou c’est non ?
– Oui.
A son tour, la présidente insiste, dans l’espoir d’un aveu plus complet :
– Alors : par qui ?
– Je ne sais pas.
– Mais vous étiez dedans Monsieur ! »
Sourcil levé, l’avocat regagne son banc. Il laisse à la barre un délinquant bien confus et presque repenti.
Pierre Anquetin