« Un chef ne va pas à un braquage »

à la Une« Un chef ne va pas à un braquage »
C’est un court-métrage en noir et blanc,  muet : sur l’écran TV de la salle des assises du palais de justice de Paris apparaît l’intérieur blanc d’une bijouterie. Étincelante comme un studio de télévision, paisible comme un après-midi dans le 16e arrondissement.
La cour et les jurés observent sur l’écran un client qui reluque une montre puis s’en va. Deux employés qui s’affairent. Brusquement ils se tournent vers l’entrée de la bijouterie, se figent, pris de stupeur : quatre hommes sont en train d’enfoncer la porte. Ils ont un casque sur la tête.
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« Je ne m’engagerai pas à rembourser au-dessus de 100 € »

« Je ne m’engagerai pas à rembourser au-dessus de 100 € »

Comparutions immédiates

Les cas de cambriolages en correctionnelle ne sont pas si fréquents, tant les voleurs sont habiles. Une même équipe se trouve rassemblée dans le box : deux hommes, Dario et Erdjan, et une femme, Luana, tous trois jeunes, sveltes, le visage fermé et un peu las.

Les victimes, une médecin et une retraitée, habitantes du 16e arrondissement de Paris, sont absentes à l’audience mais une bataille de chiffres s’engage entre leurs avocats et celui de la défense autour du butin disparu et du préjudice moral. Lire la suite « « Je ne m’engagerai pas à rembourser au-dessus de 100 € » »

« Marionnaud m’a ruinée »

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Conseil des prud’hommes de Paris, section Commerce

Décidément, l’histoire de Camila ne plaît guère au président de cette audience de la section Commerce du Conseil des prud’hommes de Paris. Voilà devant lui une vendeuse des magasins Marionnaud, suspectée en 2009 d’avoir volé pour 15 000 euros de parfums. Condamnée en première instance au tribunal correctionnel, Camila est relaxée par la Cour d’appel en 2013.

En arrêt de travail pour dépression depuis l’enquête, elle demande aujourd’hui la résiliation judiciaire de son CDI, aux torts de l’employeur, et 112 000 euros d’indemnités de licenciement et des dommages et intérêts pour préjudice moral, préjudice de santé, préjudice professionnel, préjudice financier…

Camila ne saurait être à nouveau jugée sur l’affaire du vol mais pour le président, la relaxe, elle ne passe pas :

Le président : Elle est juste relaxée ?
L’avocat, embarrassé : Vous savez qu’en matière pénale…
Le président : Pour quelle cause est-elle juste relaxée ? Vous avez le jugement ?
L’avocat : Mais… relaxée au bénéfice du doute.

Ces évènements ont détruit sa santé, poursuit Me Rochmann. « Pendant sept mois, ils m’ont soupçonnée », se plaint Camila. Pourquoi avoir refusé une perquisition à domicile ? « Je ne voulais pas ramener les flics à la maison. Le commissaire avait l’air de connaître ma responsable. (…) Après, ils ont attrapé les vrais voleurs », parvient-elle à glisser en fin d’audience.

« J’avais peur de reprendre »

Une dernière bizarrerie contrarie le président : Camila, en arrêt depuis 2009, a refusé de répondre aux convocations de l’Assurance maladie qui a donc interrompu le versement des indemnités journalières.

« J’ai été à la médecine du travail plusieurs fois. J’avais peur de reprendre. Après, c’est mon psychiatre qui a pris le relai.
Marionnaud m’a ruinée ! » conclut-elle d’un cri douloureux.

C’est la raison des demandes financières de Madame, souligne l’avocat de l’enseigne : « Quelle est la faute de Marionnaud ? En quoi ce serait à l’employeur d’en faire les frais ? » D’autant que, prudent, l’employeur s’est abstenu de toute mesure disciplinaire. Comme le rétorque le président lorsque Camila lui rappelle qu’elle a failli se suicider : « Ce n’est pas notre faute à nous. »

Oui, Camila obtiendra la résiliation de son contrat, assortie des indemnités légales. Mais des dommages et intérêts seront-ils versés ? Réponse le 31 mars 2016.

Pierre Anquetin sur Place du tribunal

« Aviez-vous conscience que cette voiture était en train d’être volée ? »

à la Une« Aviez-vous conscience que cette voiture était en train d’être volée ? »

Voilà trois jeunes voleurs assez maladroits pour se faire cueillir par la police en pleine nuit, dans un parking du 16e arrondissement de Paris, au volant d’une Range Rover noire à la vitre brisée…

Deux d’entre eux ne reconnaissent pas le vol et soutiennent une autre version : un inconnu rencontré dans un club leur a demandé de récupérer sa voiture, moyennant 100 euros chacun. Ils ont trouvé la vitre déjà cassée.

– Quand on est rentrés dans la voiture, c’était trop tard.
– Il n’est jamais trop tard avant de commettre un délit, Monsieur », coupe la juge.

Derrière les prévenus, leur trois avocats, guère plus âgés, costumes ajustés sous la robe, se tiennent debout. Il affichent des mines sérieuses mais dissimulent mal leur accablement devant la cascade de mensonges. L’un d’eux se glisse auprès de son client pour l’interroger :

« – Etiez-vous conscient que le véhicule était en train d’être volé ?
– Mmm
– C’est oui ou c’est non ?
– Oui.
A son tour, la présidente insiste, dans l’espoir d’un aveu plus complet :
– Alors : par qui ?
– Je ne sais pas.
– Mais vous étiez dedans Monsieur ! »

Sourcil levé, l’avocat regagne son banc. Il laisse à la barre un délinquant bien confus et presque repenti.

Pierre Anquetin

“On a refusé notre audition parce que c’est notre droit”

“On a refusé notre audition parce que c’est notre droit”

Comparutions immédiates

D’abord des éclats de voix, des bruits de chaises jaillissent de l’arrière-salle réservée aux détenus. Puis Lydia et Claude déboulent au milieu du box, dans un grand désordre, accompagnés par quatre gendarmes. « Ils étaient calmes jusqu’à maintenant » assure la jeune avocate qui a accepté de les défendre au pied levé. « On la prend ! » avait tranché Lydia pour ne pas voir l’audience reportée. Claude et Lydia sont en manque de subutex et de méthadone depuis la veille.

Détention et usage de crack leur sont reprochés.  Également, d’avoir gardé le silence au cours de leur audition. Puis d’avoir lutté pour ne pas être séparés dans les geôles. « En 30 ans, on n’avait jamais vu ça ! » exagère la présidente du tribunal. Enfin, ils auraient volé un téléphone portable. La propriétaire a porté plainte, les policiers n’ont pas cherché bien longtemps avant de retrouver les deux « toxicomanes ». Lydia n’aime pas ce mot-là, elle tressaille dès qu’elle l’entend. Et elle se défend  :

Lydia : On raccompagnait notre fils, on nous a arrêtés. J’ai déjà perdu un enfant, déjà. Oui, je consomme. Des fois j’en prends, du crack. Mais si on aurait volé, on aurait bougé du coin. Si on aurait volé, pourquoi elle est pas venue la plaignante ? On a refusé notre audition parce que c’est notre droit.
La présidente : Oui, vous avez le droit de garder le silence. Avant, cela vous était signifié. Cela ne l’est plus. Mais le Conseil constitutionnel va mettre de l’ordre dans tout ça.
Lydia :  (silence)
La présidente : Vous avez été condamné 22 fois. Je ne vais pas tout relire.
Lydia : Non, pas la peine.
Le procureur : Ils sont particulièrement peu coopératifs. (…) Je demande 3 ans fermes, la peine plancher.
Lydia : Vous nous avez donné trois ans ?
La présidente : N’interrompez pas votre conseil.
L’avocate : Je comprends que trois ans, ça leur fasse un choc. Je défends deux personnes qui sont toxicomanes. Qu’on leur reproche de consommer de la drogue, forcément ! Et en effet, ils en détiennent aussi ! Une drogue qui a ravagé leur vie.
Sur le téléphone, je ne sais pas ce qu’il s’est passé. C’est une possibilité. Il est aussi possible que ce soit eux qui avaient raison. Ils étaient sur place, on les a accusés. Ils se sont enfermés dans le silence. Même des gens qui sont des rebuts de la société ont le droit que soit reconnue leur innocence quand ils sont innocents.

Pour accélérer la plaidoirie, la présidente a jeté ce commentaire :

C’est toujours un plaisir de vous entendre, Maître. On en parle entre nous et je vous le confirme aujourd’hui.

Son délibéré : un an ferme. Claude et Lydia sont maintenus en détention.

“Vol de légumes avec violence”

“Vol de légumes avec violence”

Comparutions immédiates

Paris, 18e arrondissement, la Goutte d’or.
Richard entre dans une épicerie de quartier pour trouver un peu d’alcool. Il a déjà beaucoup bu. Rapidement une dispute éclate : « Il balançait sa main avec un couteau et criait : donne moi un flash de rhum ! » racontera le commerçant, pourtant pas impressionné.
De dépit, Richard se saisit d’un sac d’oignons et s’enfuit. Il abandonne son butin quelques mètres plus loin mais le vol avec arme est signalé à la police.
Peu après, Richard rejoint le foyer social où il vit. Une nouvelle rixe l’oppose cette fois à un autre locataire qui reçoit plusieurs coups de poings. Les policiers interviennent et appréhendent Richard pour les deux délits.

Quelle était l’arme brandie dans l’épicerie ? Pourquoi le prévenu s’est-il battu ? Qui est-il ? Le tribunal, entièrement féminin, cherche les réponses.

Quand Richard a été interpelé il ne portait sur lui qu’un couteau suisse porte-clefs. Aucune autre arme n’a été retrouvée sur son chemin. Rapidement, la présidente écarte des débats l’hypothèse d’un « grand couteau » :

La présidente : Vous avez balancé votre porte-clef avec couteau suisse et il (le commerçant) l’a vécu comme une agression. Est-ce que vous pensez qu’il a pu être impressionné par votre comportement ?
Richard : Non…
Le commerçant : Il a pris le sac devant le magasin. Il a sorti un grand couteau.
La présidente : On revient au sac d’oignons parce que c’est ça qui obsède le tribunal. Il a pris le sac et après ?
Le commerçant : Il est parti sans payer.
La présidente (à la greffière) : Vous notez bien !
Richard : Je ne me suis pas sauvé.
La présidente : Pourquoi avez-vous pris un sac d’oignons ?
Richard : Je ne sais même pas pourquoi j’ai fait ça. (…) Si je n’avais pas bu, je ne serais pas comme ça. En plus ma femme va accoucher.

La bagarre dans le foyer social ? Richard ne reconnaît pas les faits. D’après son avocate et le personnel du foyer, les autres protagonistes avaient également bu. Et ils sont absents à l’audience.
Malgré leur désistement, Richard joue gros. Son casier judiciaire compte 23 mentions depuis 1985 : vol, détention et usage de stupéfiants, violence…

Mais l’enquête sociale révèle aussi que Richard est aujourd’hui un ancien toxicomane avec traitement de substitution. Il a déjà une fille de 8 ans, placée en foyer d’accueil à l’âge de 3 ans. La mère était elle-même alcoolique.

L’avocat du commerçant réclame 300 € de dommages et intérêts pour le « vol de légumes avec violence ». La procureur ajoute que l’alcool est une circonstance aggravante et exige 6 mois fermes. L’avocate de Richard rappelle qu’il sort de 5 semaines de détention.
Les juges le condamnent à 6 mois sursis et 300 € de dommages et intérêts.

Pierre Anquetin

“ça ne peut être que lui…”

Martine avait oublié son sac à main à la caisse d’un magasin de prêt-à-porter. Après 3 minutes, une vendeuse découvrit le sac et le rangea. Quand Martine revint chercher son bien, elle en dressa l’inventaire : « il manque 400 € et ma carte de crédit » annonça-t-elle.

Las ! Pendant ces 3 minutes, les caméras de vidéo-surveillance n’avaient pas filmé le sac à l’abandon. Mais elles montraient bien qu’un  certain homme était passé à proximité. La police l’identifia, Alain, au casier déjà chargé : 16 condamnations dont 9 pour vol avec recel. Alain fut alors poursuivi… Mais relaxé en première instance par le tribunal correctionnel.
Aussi le Parquet décida-t-il d’interjeter appel. Et il réclame aujourd’hui pour Alain 10 mois d’emprisonnement.

L’avocate du prévenu se déclare sidérée :

Le sac a peut-être été abandonné pendant plusieurs autres minutes. Quelle preuve avons-nous que 400 € aient vraiment été dérobés ? Cette caissière, qui me dit qu’elle n’a pas regardé ce qu’il y avait dedans ? Est-ce qu’on a trouvé des retraits de carte ? De l’argent ? Non. Les seuls arguments sont un peu odieux : on n’a pas de preuve mais avec son casier judiciaire ça ne peut être que lui.

Le rythme des cours d’appel n’est pas celui des comparutions immédiates : le délibéré sera rendu un mois plus tard.

Pierre Anquetin

“C’est quelque chose cette loi Dati”

Comparutions immédiates

L’expertise psychiatrique n’a découvert aucune explication logique au vol que Sébastien, 35 ans, a commis. Elle assure que l’homme ne présente pas de dangerosité et que sa « guérissabilité » est possible. L’objet du vol : un lecteur mp3.

Le jeune président menace gentillement :

Vous avez un casier et vous risquez un an ferme à cause des peines plancher ! Je ne sais pas si vous avez entendu parler de ça ? C’est quelque chose cette loi Dati sur la récidive : ça devrait vous faire réfléchir…

L’avocate nuance :

Ce monsieur ne présente pas un profile de délinquant. Quand il dit qu’il voulait revendre le lecteur mp3, j’aimerais bien savoir à qui ! L’expertise a révélé une disharmonie de la pensée… Ses parents m’ont dit qu’il ne prenait pas toujours ses médicaments… Fresnes a d’autres soucis, la prison n’est pas un établissement psychiatrique.

Sébastien a parfois souri mais n’a pas prononcé un mot. Il est condamné à 1 mois de prison ferme et 5 mois de mise à l’épreuve avec obligation de soins.