Couple dépeceur (4/4) : la nounou condamnée à 20 ans de réclusion, le mari acquitté

La cour d’assises de Paris a condamné vendredi 22 janvier 2016 à 20 ans de réclusion criminelle la nounou chinoise – qui a tué les parents d’un bébé mort accidentellement pendant sa garde – et acquitté son mari – qui l’a aidée à faire disparaître les corps.

20 ans pour elle et l’acquittement pour lui, le verdict est tombé tard vendredi 22 janvier, après plus de sept heures de délibérations. Les six jurés parisiens et les trois magistrats de la Cour d’assises ont finalement suivi les réquisitions de l’avocat général qui demandait de condamner la nourrice, Hui, pour homicides volontaires, et d’acquitter son mari, Te, tous deux accusés d’avoir tué les parents du petit Lucas, décédé accidentellement à l’âge de deux mois et demi.

« Une agression sauvage »

Dans le public une cinquantaine d’intéressés tendent l’oreille, ce vendredi matin, au dernier jour du procès « des dépeceurs chinois ». La star du barreau de Lille, Eric Dupond-Moretti, est venue défendre le mari (Te). Il attaque en premier lieu le dossier de mise en accusation :

« Pour renvoyer en accusation, il faut des charges, et là c’est le vide qui constitue la charge, c’est le ‘tout est possible’ qui constitue la charge. Je trouve que c’est inquiétant. »

A deux reprises au cours des débats, il avait poussé les enquêteurs à reconnaître devant la Cour : « On n’a aucun élément qui permette de dire s’il a ou s’il n’a pas participé au meurtre ».

Quant à Me Guedj, il plaide la légitime défense pour la nounou, Hui : « A défaut, peut-être qu’elle serait morte ».

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Si la légitime défense était reconnue, Hui pourrait être acquittée. L’avocat replace les jurés au cœur du drame, devant « une agression sauvage » :

« Il y a ce premier choc : le petit Lucas est mort. Ceux qui ont eu des enfants ont-ils connu ça une fois dans leur vie ? Pas moi (…). Elle l’amène à la mère. La mère qui lui saute au cou, l’étrangle. Hui saigne, prend le premier objet à sa main, se défend et mime devant vous le geste. Elle s’est retournée dans un mouvement et elle a tapé. Ça aurait pu être la tête, ça aurait pu être autre chose.

Enfin, pour sauver son mari déjà en sang et menacé d’étranglement, elle frappe aussi le père de Lucas. Me Guedj imagine qu’elle a eu cette pensée instinctive : « S’il tue mon mari, alors je meurs : il me tue ». Pour étayer cette version, l’avocat a besoin de preuves, il rappelle les coupures, les marques d’étranglement : « Elle ne s’est pas étranglée toute seule ! »

« Il faut sauver sa peau »

Mais la veille, au troisième jour du procès, les avocats des familles des victimes sapaient la thèse de la légitime défense :

« Les victimes deviennent les accusés » mettait en garde Me Laille. Et Me Arnoux fustigeait la malhonnêteté de Te et de Hui qui ont eu « trois semaines pour préparer leur version « .

Pour les parties civiles, les deux ont eu l’intention de donner la mort et doivent être condamnés en conséquence.

Sur l’une des victimes, lire « Nous n’avons aucune photo d’elle »

L’avocat général Julien Eyraud écarte la préméditation mais aussi la légitime défense, qui ne peut pas être démontrée puisque toutes les preuves ont été effacées. Il incombe à l’accusé d’apporter la preuve de la nécessité de la légitime défense, rappelle-t-il aux jurés.

En revanche il retient l’homicide volontaire : au moment où elle a frappé, puisqu’elle reconnaît avoir frappé, Hui a bien eu l’intention de tuer. « Quand on donne des coups à la tête, ce n’est pas pour se défendre, on est quasiment certain du résultat. » Et il fournit aussi un mobile : Hui protègeait son propre fils de deux ans, Yino.

« Elle n’a qu’un seul phare dans sa vie, dans cette nuit, c’est son gamin, c’est Yino. Et tout y passera, tout ! S’il faut tuer deux personnes, on tuera deux personnes, s’il faut découper, on les découpera, s’il faut enterrer, on enterrera. C’est Yino, Yino, Yino ! S’il faut l’emmener en Chine on le fera. Et après, il faut sauver sa peau. Pas pour elle, je ne crois pas, mais pour son fils, oui. »

Concernant le mari, qui nie avoir tué, qui a été gravement blessé, l’avocat général demande de ne pas entrer en voie de condamnation :

« Il ne suffit pas de dire, c’est dégueulasse donc ils sont coupables. Il faut le démontrer. Pour Te (le mari), je peux vous démontrer qu’il y a eu bagarre. La violence a-t-elle entraîné la mort ? Peut-être. Peut-être pas. Je vous dois cette démonstration. Et quand je ne peux pas faire une démonstration, je ne vais pas utiliser le sentiment. Je pense que vous rendrez la décision que je vous demanderais de prendre : de l’acquitter. »

En acquittant Te et en condamnant Hui à 20 ans de réclusion criminelle, le jury a estimé que la nounou portait l’entière responsabilité du double meurtre, et que sa réponse à l’agression par les parents du petit Lucas n’était pas proportionnée.

Le couple est par ailleurs condamné à verser 50 000 euros pour chacun des parents des deux victimes et 40 000 euros pour chacun des frères au titre du préjudice moral.

Dix jours après le jugement, le parquet et les parties n’ont pas interjeté appel. L’acquittement et la condamnation deviennent définitifs.

Pierre Anquetin sur Place du tribunal

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