« Un juge qu’on pouvait acheter »

à la Une« Un juge qu’on pouvait acheter »
Sur le banc des prévenus, un juge « banni de la justice ». Il comparaît début juin 2016 devant le tribunal correctionnel de Paris pour corruption et trafic d’influence.
Une poignée d’entrepreneurs qui grenouillaient autour de lui dix ans plus tôt dans le Pas-de-Calais comparaissent à ses côtés comme intermédiaires ou bénéficiaires supposés.
Dès les premières minutes du procès, l’un d’eux plante le décors par un lapsus à l’accent du nord : « On était convoqués chez le chti. Pardon ! Chez le psy »…

Lire la suite « « Un juge qu’on pouvait acheter » »

« Un chef ne va pas à un braquage »

à la Une« Un chef ne va pas à un braquage »
C’est un court-métrage en noir et blanc,  muet : sur l’écran TV de la salle des assises du palais de justice de Paris apparaît l’intérieur blanc d’une bijouterie. Étincelante comme un studio de télévision, paisible comme un après-midi dans le 16e arrondissement.
La cour et les jurés observent sur l’écran un client qui reluque une montre puis s’en va. Deux employés qui s’affairent. Brusquement ils se tournent vers l’entrée de la bijouterie, se figent, pris de stupeur : quatre hommes sont en train d’enfoncer la porte. Ils ont un casque sur la tête.
Lire la suite « « Un chef ne va pas à un braquage » »

« A-t-elle été humiliée ou violée ? »

à la Une« A-t-elle été humiliée ou violée ? »

Le 5 décembre 2008 une jeune femme de 26 ans, Amélie, se présente à la brigade des mineurs de Paris. Elle vient porter plainte contre deux hommes, Guido et Romain. Elle les accuse de l’avoir violée neuf ans plus tôt, dans la soirée du 19 novembre 1999, à Paris dans le studio de Guido. Elle avait 17 ans et eux à peine 20. Lire la suite « « A-t-elle été humiliée ou violée ? » »

« On essaie de nous faire croire qu’il y a eu mise au placard »

à la Une« On essaie de nous faire croire qu’il y a eu mise au placard »

Conseil des prud’hommes de Paris, section Commerce

Flore a été licenciée des Galeries Lafayette après un congé maladie pour dépression. Petite femme approchant la quarantaine, elle paraît impressionnée par le conseil des prud’hommes.
S’est-elle sentie délaissée puis isolée après le départ de son chef, comme elle le dit ? Ou bien a-t-elle cherché une porte de sortie après de trop longues années au service de l’enseigne ? Les conseillers devront choisir pour lui accorder ou non la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur avec, à la clef, 48 000 euros de dommages et intérêts.

Elle a seulement 18 ans quand elle rentre aux Galeries en 1996 comme vendeuse. Elle est heureuse de trouver une place. Lire la suite « « On essaie de nous faire croire qu’il y a eu mise au placard » »

Au procès du couple dépeceur, « un tourbillon de cauchemars »

à la UneAu procès du couple dépeceur, « un tourbillon de cauchemars »

Le procès d’un couple chinois, accusé d’avoir tué et dépecé les parents d’un nourrisson dont ils avaient la garde et qui est décédé accidentellement, s’est conclu le 22 janvier dernier par la condamnation de la nounou à 20 ans de réclusion criminelle et l’acquittement de son conjoint.

Le jeune couple de trentenaires chinois qui comparaît aujourd’hui devant la Cour d’assises de Paris semble bien assorti, lui avec son cardigan marron glacé et ses fines lunettes rectangulaires, elle avec ses cheveux bien lissés et sa veste de tailleur, tous deux avec cet air sérieux. Mais, immobiles dans le box, Te (le mari) et Hui (la femme) n’échangent pas un mot. La stupeur ne les quitte plus depuis la nuit du 23 mai 2012 lorsque, selon leurs dépositions, Hui se saisit d’une hachette et tue dans son propre appartement les deux parents d’un enfant dont elle avait la garde. Lire la suite « Au procès du couple dépeceur, « un tourbillon de cauchemars » »

Couple dépeceur (4/4) : la nounou condamnée à 20 ans de réclusion, le mari acquitté

La cour d’assises de Paris a condamné vendredi 22 janvier 2016 à 20 ans de réclusion criminelle la nounou chinoise – qui a tué les parents d’un bébé mort accidentellement pendant sa garde – et acquitté son mari – qui l’a aidée à faire disparaître les corps.

20 ans pour elle et l’acquittement pour lui, le verdict est tombé tard vendredi 22 janvier, après plus de sept heures de délibérations. Les six jurés parisiens et les trois magistrats de la Cour d’assises ont finalement suivi les réquisitions de l’avocat général qui demandait de condamner la nourrice, Hui, pour homicides volontaires, et d’acquitter son mari, Te, tous deux accusés d’avoir tué les parents du petit Lucas, décédé accidentellement à l’âge de deux mois et demi.

« Une agression sauvage »

Dans le public une cinquantaine d’intéressés tendent l’oreille, ce vendredi matin, au dernier jour du procès « des dépeceurs chinois ». La star du barreau de Lille, Eric Dupond-Moretti, est venue défendre le mari (Te). Lire la suite « Couple dépeceur (4/4) : la nounou condamnée à 20 ans de réclusion, le mari acquitté »

« Je suis la 2e victime de Zénon »

à la Une« Je suis la 2e victime de Zénon »

Le 15 janvier 2016, la Cour d’assises de Paris acquittait Téodor du meurtre d’un SDF, Witek, commis il y a 15 ans au sein d’une communauté polonaise alors en proie à la violence. Le parquet général n’a pas formé appel.

« Je suis catholique : je ne prendrais jamais la vie de quelqu’un. Ce n’est pas moi ».

Ce sont les derniers mots de Téodor avant son acquittement par la Cour d’assises de Paris le 15 janvier 2016. Son histoire est celle d’un ex-boxeur polonais qui lutte depuis son arrivée en France en 1999 à l’âge de 31 ans pour ne pas être aspiré par la violence et la marginalité.

Il y est presque parvenu. Il a travaillé dur comme maçon et rencontré une française, Chantal, avec laquelle il vit sans jamais parler de ses années de galère. L’avocate générale Annie Grenier le concède : « L’homme que vous jugez aujourd’hui n’a rien à voir avec celui de 2000. » Avec son beau-frère Patrick, il entreprend même de retaper la maison de campagne familiale. Lire la suite « « Je suis la 2e victime de Zénon » »

« Une cabale pour obtenir la tête de ces quatre » 2/2

à la Une« Une cabale pour obtenir la tête de ces quatre » 2/2

Le procès qui oppose quatre syndicalistes de la CGT Energie et trois cadres d’ERDF pour des troubles sociaux survenus en 2008 s’est clos hier sur les plaidoiries des avocats et le réquisitoire. Les peines demandées se révèlent symboliques mais une condamnation pourrait donner des armes à ERDF pour évincer certains militants trop coriaces.

Lire les témoignages dans la chronique précédente :
« La direction doit passer en conseil de discipline » 1/2

Aujourd’hui, dans cette audience en continuation de la 31e chambre, le coeur n’y est pas. Les attentats qui ont frappé Paris le week-end dernier raisonnent encore dans les esprits. Sur les visages fatigués, l’émotion reste visible. Plus personne n’a vraiment envie d’en découdre mais le tribunal est réuni et il faut bien plaider, il faut bien requérir.

La partie civile – Catherine, Sylvie, mais aussi le directeur de l’agence ERDF –  réclame un euro de dommages et intérêts pour entrave à la liberté du travail.

Le Parquet requiert en plus 1 500 euros d’amende pour le meneur du mouvement, 1 000 euros pour les autres, 500 euros pour celui qui a diffusé la vidéo de la mobilisation sur Internet.

« Ce n’est pas le maximum de ce que prévoit la loi » fait remarquer la procureure.

Et si l’enjeu résidait ailleurs, alerte Maître Gosset pour la défense ?

« La demande d’un euro symbolique est une prise de position publique mais qui, en réalité, cache une cabale, un système qui a été organisé pour obtenir une chose : idéalement la tête de ces quatre mais surtout la tête de Franck L. »

Le délit d’entrave à la liberté du travail serait avéré si les avocats de la partie civile parvenaient à démontrer que, les 14 et 15 février 2008, le préavis de grève contre le licenciement de Djamila n’était pas régulier, qu’il y a eu concertation, que des menaces ou des voies faits ont été exercées, ou des dégradations commises.

Pour Maître Delcourt, en l’absence de préavis de grève, « le mouvement est illégal. » Il rappelle les moyens déployés par les syndicalistes pour bloquer l’activité du service. Dans un petit effet d’audience, il jette le doute sur les attestations de salariés certifiant avoir eu la liberté de travailler : les signatures ne ressemblent pas à celles des papiers d’identité, accuse-t-il, en distribuant les photocopies aux juges. Enfin, il nous raconte une scène digne des grèves de 1936 :

« Tout cela était très, très, très minutieusement préparé ! On a un caddie plein de provisions pour permettre de s’installer sur place. On fait venir des gens pour préparer ces deux jours et organiser les festivités. On appelle Serge pour parler des grands anciens, pour que les autres se reposent et puissent penser à autre chose. Pendant que Mme B., elle, restait sous un feu roulant. Et puis on a des menaces, des voies de fait. On peut trouver dans chaque PV, dans chaque constat, dans chaque audition des preuves de ces menaces ».

Faisant porter l’essentiel de la culpabilité sur Franck et Véronique, Me Delcourt conclue gravement : « Relaxer, c’est dire : vous pouvez continuer ainsi ».

La réplique ne tarde pas. Me Gosset brandit la pièce 3 cote 6 :

« Un préavis de grève tout à fait régulier ! Oui, ils se sont concertés pour un mouvement de grève. Comment voulez-vous organiser une grève sans vous concerter ? »

Mais pas pour couper l’électricité, menacer ou interdire aux non grévistes d’aller travailler, promet l’avocat du syndicat.

Il doit son argument le plus solide à la jurisprudence, d’ailleurs oubliée par la partie civile, un arrêt de la Cour de cassation du 3 juin 2008 pour des faits « bien plus graves » – la fouille dans les tiroirs du directeur départemental des Affaires maritimes, des pétards qui explosent, une séquestration, un médecin interdit de passer…
Et pourtant, « le simple trouble apporté à l’activité professionnelle » ne saurait valablement conduire à la constatation du délit d’entrave, opposait la Cour.

Imitant le ton de son confrère, Me Gosset conclue :

« Si vous rendez une décision de condamnation, vous allez rendre une décision qui va faire grand bruit, qui va faire trembler… »

Le 12 janvier 2016, Serge et Franck sont tous deux reconnus coupables d’entrave concertée à la liberté du travail, avec menace pour le premier, mais aussi avec violence ou voie de fait pour le second.

Ils sont condamnés à 1 000 euros d’amende avec sursis chacun. Ils devront verser 1 euro de dommages et intérêts à chacune des parties civiles : Catherine, Sylvie, ERDF et GRDF. Tous les autres prévenus sont relaxés.

@PierreAnquetin

« Aviez-vous conscience que cette voiture était en train d’être volée ? »

à la Une« Aviez-vous conscience que cette voiture était en train d’être volée ? »

Voilà trois jeunes voleurs assez maladroits pour se faire cueillir par la police en pleine nuit, dans un parking du 16e arrondissement de Paris, au volant d’une Range Rover noire à la vitre brisée…

Deux d’entre eux ne reconnaissent pas le vol et soutiennent une autre version : un inconnu rencontré dans un club leur a demandé de récupérer sa voiture, moyennant 100 euros chacun. Ils ont trouvé la vitre déjà cassée.

– Quand on est rentrés dans la voiture, c’était trop tard.
– Il n’est jamais trop tard avant de commettre un délit, Monsieur », coupe la juge.

Derrière les prévenus, leur trois avocats, guère plus âgés, costumes ajustés sous la robe, se tiennent debout. Il affichent des mines sérieuses mais dissimulent mal leur accablement devant la cascade de mensonges. L’un d’eux se glisse auprès de son client pour l’interroger :

« – Etiez-vous conscient que le véhicule était en train d’être volé ?
– Mmm
– C’est oui ou c’est non ?
– Oui.
A son tour, la présidente insiste, dans l’espoir d’un aveu plus complet :
– Alors : par qui ?
– Je ne sais pas.
– Mais vous étiez dedans Monsieur ! »

Sourcil levé, l’avocat regagne son banc. Il laisse à la barre un délinquant bien confus et presque repenti.

Pierre Anquetin

“Je suis sceptique…” R. Badinter

“Je suis sceptique…” R. Badinter

Avocats, magistrats et universitaires se succédaient hier à la tribune du Conseil national des barreaux pour un colloque sur l’avant-projet de loi sur la réforme de la procédure pénale. La matinée se déroulait sous l’œil bienveillant de Robert Badinter, venu prêter son concours à plus d’un titre : ex-avocat pénaliste, ex-garde des sceaux, ex-président du Conseil constitutionnel, sénateur, éternel militant pour la protection des prévenus et des condamnés.

L’avant projet de loi préparé par le ministère de la Justice vise à modifier la procédure de l’enquête (notamment au cours de la garde à vue), de l’instruction (notamment par la suppression du juge d’instruction), de l’audience correctionnelle ou criminelle (notamment par la transformation du rôle du président).

Il revient à Robert Badinter de clôturer la journée. Devant un parterre de confrères avocats, il se lance dans une conversation en forme de plaidoirie et de calcul politique :

Nous avons les moyens de construire une justice du XXIe siècle ; ce n’est pas hors de portée ! Mais il faut du temps, c’est ce qu’on ne comprend plus. Je suis excédé qu’en cinq ans on nous ait collé quatre lois sur la récidive. Il ne peut y avoir un fait-divers suffisamment grave sans qu’on ait une déclaration, généralement depuis le perron de l’Elysée, pour dire « je ne veux pas que », « il faut que »… Nous pouvons nous attendre à un nouvel allongement de la peine de sureté de 30 ans, à une nouvelle loi sur la récidive ou sur la délinquance des mineurs. Ah ! que je regrette le temps où nous bataillions contre la loi Sécurité et liberté d’Alain Peyrefitte. Il était d’un laxisme épouvantable !

Puis, passant de l’ironie à la confidence :

Depuis la présentation de l’avant-projet de loi, il y a eu l’évènement des élections régionales. Elles n’ont pas d’effet direct sur le Code pénal mais il reste très peu de temps avant la fin de la législature. La réforme suit une phase de concertation, puis le passage au Conseil d’État, pour une adoption au conseil des ministres environ début juin. Le Parlement est occupé, très occupé, au point qu’au Sénat on prépare un génocide de vieillards ! Si on se place du côté des parlementaires de la majorité, ils souhaitent être réélus. Ils veulent s’occuper des textes utiles en ces temps de chômage, de crise, de réforme des retraites, de fiscalité… De la rentrée 2010 jusqu’à la session 2011, il y a peu de temps. Si l’un des deux présidents de chambre dit qu’il veut qu’il y ait deux lecteurs, il n’y a plus d’urgence possible. Pour ce texte, il y aura deux lectures. Et donc je suis sceptique. On aura une première lecture au Sénat mais on n’ira pas plus loin. En revanche, la question de la garde à vue sera détachée et ira à son terme au cours de cette législature. Pour la réforme de l’audience, ce sera lors des prochaines législatures.

Et de conclure en invoquant les principes :

Aujourd’hui, c’est une concertation. Vous devez la considérer comme si le texte devait être traité au cours de cette législature. Vous devez prendre position sur l’indépendance du parquet, sur la garde à vue, sur l’égalité des armes. Pas de procès sans égalité des armes ! Soyez fidèles à cela !