« Je vais te trouver par Facebook… »

à la Une« Je vais te trouver par Facebook… »

Saban entre dans le box des prévenus comme un taureau dans une arène, marmonnant, nerveux, dominant le public d’un regard. Il adresse un faux bâillement à l’attention des juges pour bien leur montrer son indifférence. C’est un condensé de muscles aux allures de boxeur mais aux traits fins, fiers. Il a dans les 25 ans et sa violence est éruptive.

Ivre, il a défoncé la porte d’un appartement, menacé son occupant – « je vais te tuer » – puis, au policier qui le maîtrisait : « je vais te trouver par Facebook, ce n’est pas une menace, c’est une promesse ! »

A l’énoncé des chefs d’accusation, la présidente évite les réprimandes, les indignations. Interrogé, Saban refuse de répondre : « mon avocate est là. Vous lui parlez. » Quelle étincelle provoque soudain l’explosion de colère ? Il crie à l’adresse de ses parents une menace destinée au plaignant. D’un violent coup sur le bois du mur, il fait sursauter toute l’assistance :

« – Va voir sa mère, tu lui dis : viens !  Va voir sa mère, tu lui dis : viens !
La présidente intervient : – Vous vous taisez.
– Vous, je ne vous adresse pas la parole.
– Et moi je ne vous la donne pas. Greffier, veuillez noter tout cela. »

Les parents bondissent et tendent au gendarme un sac de médicaments. « Il fait des crises », explique la mère. « Je sais », répond doucement la présidente, tandis que les gardes cherchent le bon remède à administrer.

Le casier judiciaire de Saban est émaillé de condamnations pour violences. Il n’a jamais travaillé. Il souffre des séquelles d’un AVC suivi d’une trépanation. Des crises épileptiques le foudroient régulièrement. Il se rend en consultation tous les 6 mois à l’hôpital Bichat mais l’administration judiciaire peine à contrôler son suivi.

L’avocate demande un renvoi du jugement. Le procureur exige une expertise psychiatrique et un maintien en détention pour protéger la victime. La nouvelle audience étant fixée dans un mois, Saban reste en détention provisoire, là où personne ne saura que faire de lui. Les maisons d’arrêt sont pleines de malades psychiatriques que l’hôpital ne sait plus maîtriser. Une fois Saban disparu dans l’arrière-salle, on entend encore le fracas d’une chaise qui vole à travers une pièce.

Pierre Anquetin