Comparutions immédiates / Tandis que les affaires défilent à la barre, un avocat s’agite entre les bancs. Il chuchote à l’oreille de ses confrères, désigne l’horloge, feuillette son code de procédure… Il s’emporte avant même de plaider car le délai d’expiration de la garde à vue de son client est dépassé. Le prévenu, Joseph, a été arrêté il y a deux jours au volant d’une voiture mais sans permis de conduire. Il avait perdu tous ses points en 2008.
Joseph a déjà fait une rapide incursion dans le box à l’ouverture de l’audience, pour être aussitôt renvoyé dans la salle d’attente car son avocat manquait à l’appel. Une heure plus tard, il est rappelé devant le tribunal. Mais Joseph, dont la garde à vue a été prolongée, aurait dû comparaître devant un magistrat du siège dans un délai de 20 heures, maintenant écoulé depuis 45 mn. Le Conseil constitutionnel a rappelé cette règle en invalidant récemment certaines gardes à vue.
La première et brève apparition de Joseph dans le box vaut-elle comparution devant un magistrat ? Oui affirme la procureur :
À 14 h 20 il est entré dans le box, ça a été acté. Il a comparu dans les 20 heures et été présenté devant les juges.
Au cas où la présidente ne suive pas cet argument, la procureur imagine une solution de contournement :
Il peut comparaître libre, de l’autre côté de la barrière.
L’avocat s’en tient à la faute de procédure :
L’immixtion de mon client, sa présence quelques secondes dans le box n’est pas de nature à satisfaire à l’article 803-3 !
La présidente hésite, consulte ses assesseurs et tranche finalement :
Le tribunal constate que monsieur a comparu à 15 h 20 alors que le délai prévu par l’article 803-3 du code pénal avait expiré à 14 h 30. La conséquence est d’ordonner la mise en liberté immédiate. À l’initiative de Mme la procureur, vous pouvez recevoir votre citation à comparaître pour vous expliquer devant le tribunal.
Joseph enfile sa veste et sort du box. Il devrait bientôt réapparaître à la barre mais libre.
Pierre Anquetin