Comparutions immédiates / Stéphane et Brigitte se retrouvent devant les juges pour n’avoir pu se quitter sans se rappeler : à 90 reprises en une semaine, Stéphane aurait cherché à joindre Brigitte. À bout, elle porte plainte pour harcèlement ; Stéphane est arrêté. « Je reconnais les appels mais je ne l’ai pas menacée » soutient-il devant les policiers.
Il comparaît aujourd’hui, sombre, fatigué, son corps trapu replié sur lui-même. Brigitte se présente à la barre, grande, mince, tonique, avec de longs cheveux tirés en queue de cheval. Elle parle fort pour se donner du courage car aujourd’hui, devant le tribunal, elle regrette.
Brigitte : Je voudrais retirer ma plainte… À condition qu’il me laisse tranquille.
La présidente (enrouée et énervée) : Ah vous retirez votre plainte ? Trois juges sont occupés pour rien, c’est très bien… Alors rejoignez la salle. Et puis non, restez : puisque nous sommes là, pourriez-vous nous dire combien de fois il a appelé et ce qu’il disait ?
Brigitte : Je ne sais plus.
La présidente : Vous ne savez plus ! (À Stéphane) Et vous, qu’avez-vous à dire ?
Stéphane : Je ne comprends pas. Je suis très ami avec son frère, Philippe, avec son beau-père, avec ses parents. Il n’y a qu’avec elle qu’il y a des problèmes !
(L’assistance rigole.)
La présidente (encore plus enrouée et énervée) : Le public se croit au théâtre ! Il n’y a aucune tenue, pas plus dans la salle que dans le box. Il faudrait que ça cesse. Taisez-vous, essayez-vous !
L’avocat reproche à la présidente d’avoir houspillé son client et montre que le harcèlement était peut-être réciproque :
Les appels entrants sont importants dans un sens comme dans l’autre. C’est l’amour vache. Des gens qui s’aiment mais qui se repoussent. De là à considérer que les faits soient répréhensibles pénalement…
Lorsque la présidente demande à Stéphane s’il veut ajouter quelques mots, il redresse une tête lourdement appuyée sur sa main gauche, lève un sourcil et répond d’un silence. Une heure plus tard la relaxe est prononcée. Cette heure d’attente, Brigitte la passe à arpenter la salle des pas perdus en compagnie d’une amie, lui racontant avec agitation les tout derniers soubresauts de son couple malheureux.
Pierre Anquetin