« Un étudiant modèle »

Comparutions immédiates / Sylvain Lamoureux, 23 ans, un visage d’ange à la Casey Affleck, comparaît pour violences en état d’ivresse : il a roué de coups un vieux voisin venu s’interposer au coeur d’une dispute, dans le couloir de leur immeuble, rue Saint-Saëns.

Jean, la victime de 61 ans, a payé le prix fort : 15 jours d’interruption temporaire de travail, de beaux hématomes et, surtout, un doigt salement abîmé. Depuis, Jean prétend ne plus pouvoir exercer : il était ostéopathe.

Ce soir-là, Sylvain et sa copine boivent et s’amusent dans leur appartement quand une voisine vient frapper à leur porte pour se plaindre du tapage. Torse-nu, l’étudiant engage avec elle une bruyante dispute sur le palier. Les cris alertent Jean qui intervient à son tour. « Ta gueule le vieux, rentre chez toi » hurle Sylvain.

A la barre Jean raconte la suite :« J’ai voulu le calmer, je l’ai retourné, je lui ai donné une gifle ». Jean essuie en retour une pluie de coups qui le laissent K.O. à terre quelques secondes.

J’étais dans un cas de légitime défense

se justifie Sylvain devant le tribunal. L’argument passe mal. L’avocat de Jean se moque :

Un étudiant modèle ? Il s’est rendu coupable de violences. Il n’a pas saisi la notion de légitime défense. Mon client n’a pas fait le poids une seule seconde face à M. Lamoureux.

Pour la procureur, il y a en effet  « disproportion ». Elle réclame « une peine qui passera à M. Lamoureux l’envie de recommencer (…) : 6 mois avec suris et l’indemnisation des victimes pour que le calme revienne rue Saint-Saëns ».

La main de l’ostéopathe a-t-elle été blessée à cause de la première gifle, de la chute ou bien des coups de pieds assénés par l’étudiant ? L’audience ne permet pas de dégager une réponse claire mais Sylvain va emporter le dernier mot.

Méprisant son voisin affaibli, reléguant la plaidoirie confuse de son avocat, il conclut froidement devant la présidente :

« – Je déménage demain. Et je veux rappeler que j’étais pieds nus au moment des faits.
– Effectivement, quand on sort du lit, on est pieds nus, » murmure-t-elle avec un air pensif.

Son délibéré renvoie les deux voisins dos-à-dos : 5 mois de sursis pour Sylvain, refus de l’expertise et donc des dommages et intérêts pour Jean.

Pierre Anquetin