L’accueil du Palais de justice de Paris ne délivre pas le planning des audiences. Le visiteur non-convoqué doit se fier à son instinct et entrer dans une chambre au hasard. « Il n’y a aucun programme ici Monsieur ! confirme un agent d’information. Allez voir à l’association des journalistes. Moi je ne sais rien. »
Un désordre sympathique règne dans les bureaux de l’Association de la presse judiciaire. Un fait-diversier de la PQR, cheveux mi-longs, petites lunettes, veste molle, cherche des infos sur un procès dans lequel il débarque. L’association recompose l’agenda de toutes les audiences, heure par heure, chambre par chambre. Mais la prestation minutieuse est payante : mon journal doit être abonné au fil de l’Associated Press.
Un avocat révise sa plaidoirie sur un banc. Quelle est l’audience dans cette chambre ? « Aucune idée. » Les gendarmes sont un peu mieux informés : « Ici les délits routiers, là les comparutions immédiates. Ailleurs je ne sais pas. En principe ça commence à 13 h 30 mais ça dépend… »
Les couloirs sont envahis de lycéens en sortie éducative, trop nombreux pour entrer quelque part. Un prévenu Africain surgit d’une audience en hurlant contre la France et ses prétendues Liberté, Egalité, Fraternité. Les lycéens s’écartent avec un temps de retard, une dizaine de gendarmes interviennent.
Une trop grosse affaire
Je repère un ballet de robes noires : des avocats en tenues s’engouffrent dans une salle. Une caméra filme. Après 15 mn d’attente je m’infiltre.
La justice aime la symétrie : de part et d’autre de la salle, deux box en verre teinté ouverts sur l’assistance. Dans chacun, cinq accusés sont alignés, impassibles, tous Antillais. Derrière chaque accusé, un policier en blouson noir. Au milieu, dix avocats qui se saluent dans un long brouhaha. Les trois juges de la Cour s’installent. « Les magistrats du siège sont mieux placés pour faire la sieste » commente un avocat.
L’ambiance n’est pourtant pas à la léthargie. La lecture des casiers annonce la couleur : acquisition, détention, contrebande, importation de cocaïne.
Le procès s’étalera sur plusieurs jours jusqu’en juillet. Les regards s’assombrissent. Les avocats sont tendus, les magistrats solennels. Une trop grosse affaire pour Dossier Familial : je n’aurai pas le temps nécessaire pour la couvrir, je quitte la salle.
L’entrée d’en face est moins bien gardée. Un prévenu attend dans le box, penaud. Personne ne s’en occupe, comme s’il avait été oublié là. On cherche le dossier suivant qui reste introuvable. Le président appelle le cas n° 6. « Il faudrait l’avocat, où est l’avocat ? » Après un temps de flottement : « Bon eh bien si on ne peut rien faire, je suspends l’audience. Nous allons délibérer sur ce qu’on a… »
Je ne suis pas seul à m’y perdre.