Comparutions immédiates
Paris, 18e arrondissement, la Goutte d’or.
Richard entre dans une épicerie de quartier pour trouver un peu d’alcool. Il a déjà beaucoup bu. Rapidement une dispute éclate : « Il balançait sa main avec un couteau et criait : donne moi un flash de rhum ! » racontera le commerçant, pourtant pas impressionné.
De dépit, Richard se saisit d’un sac d’oignons et s’enfuit. Il abandonne son butin quelques mètres plus loin mais le vol avec arme est signalé à la police.
Peu après, Richard rejoint le foyer social où il vit. Une nouvelle rixe l’oppose cette fois à un autre locataire qui reçoit plusieurs coups de poings. Les policiers interviennent et appréhendent Richard pour les deux délits.
Quelle était l’arme brandie dans l’épicerie ? Pourquoi le prévenu s’est-il battu ? Qui est-il ? Le tribunal, entièrement féminin, cherche les réponses.
Quand Richard a été interpelé il ne portait sur lui qu’un couteau suisse porte-clefs. Aucune autre arme n’a été retrouvée sur son chemin. Rapidement, la présidente écarte des débats l’hypothèse d’un « grand couteau » :
La présidente : Vous avez balancé votre porte-clef avec couteau suisse et il (le commerçant) l’a vécu comme une agression. Est-ce que vous pensez qu’il a pu être impressionné par votre comportement ?
Richard : Non…
Le commerçant : Il a pris le sac devant le magasin. Il a sorti un grand couteau.
La présidente : On revient au sac d’oignons parce que c’est ça qui obsède le tribunal. Il a pris le sac et après ?
Le commerçant : Il est parti sans payer.
La présidente (à la greffière) : Vous notez bien !
Richard : Je ne me suis pas sauvé.
La présidente : Pourquoi avez-vous pris un sac d’oignons ?
Richard : Je ne sais même pas pourquoi j’ai fait ça. (…) Si je n’avais pas bu, je ne serais pas comme ça. En plus ma femme va accoucher.
La bagarre dans le foyer social ? Richard ne reconnaît pas les faits. D’après son avocate et le personnel du foyer, les autres protagonistes avaient également bu. Et ils sont absents à l’audience.
Malgré leur désistement, Richard joue gros. Son casier judiciaire compte 23 mentions depuis 1985 : vol, détention et usage de stupéfiants, violence…
Mais l’enquête sociale révèle aussi que Richard est aujourd’hui un ancien toxicomane avec traitement de substitution. Il a déjà une fille de 8 ans, placée en foyer d’accueil à l’âge de 3 ans. La mère était elle-même alcoolique.
L’avocat du commerçant réclame 300 € de dommages et intérêts pour le « vol de légumes avec violence ». La procureur ajoute que l’alcool est une circonstance aggravante et exige 6 mois fermes. L’avocate de Richard rappelle qu’il sort de 5 semaines de détention.
Les juges le condamnent à 6 mois sursis et 300 € de dommages et intérêts.
Pierre Anquetin