« Monsieur Malkovich avait annoncé qu’il viendrait. Son absence en décevra plus d’un », plaisante la présidente de la 17e chambre, Fabienne Siredey-Garnier, à l’ouverture de ce procès pour diffamation le vendredi 1er juillet 2016 à Paris.
John Malkovich, « un acteur intellectuel, pas un acteur bling-bling. On ne connaît rien de sa vie privée. Il n’expose pas sa situation financière », dit son avocate. Le 10 février 2015, son nom se retrouvait pourtant en tête du « Gotha des évadés fiscaux » dans le journal Le Monde.Le quotidien publiait une enquête « hors-norme » sur la fraude fiscale massive facilitée par la filiale suisse de la HSBC entre 2006 et 2009. Un cadre de la banque, Hervé Falciani, est à l’origine du scoop. Il a transmis à l’Etat français des listes de fraudeurs.Le Monde écrit :

« Leur révélation est susceptible d’embarrasser de nombreuses personnalités, de l’humoriste français Gad Elmaleh au roi du Maroc Mohamed VI en passant par l’acteur américain John Malkovich, mais surtout d’ébranler les milieux bancaires internationaux. »

Sur le listing, John Malkovich figure bien comme l’heureux possesseur du compte 916. Ce qui ne l’empêche pas de porter plainte contre Le Monde pour diffamation.

300 000 € de dommages et intérêts

Les journalistes Gérard Davet, Fabrice Lhomme, et l’ex-patron du Monde, Louis Dreyfus, sont visés par la plainte. Mais eux aussi évitent la publicité, et s’illustrent par leur absence au procès. Me Christophe Bigot les représente. L’avocat du Monde juge les attaques contre leur travail  « lamentables, honteuses… Est-ce digne du quotidien dans lequel ils travaillent ? »

L’offre de preuve apportée par les avocats de John Malkovitch, Me Julia Minkowski et Me Hervé Temime,  montre qu’un compte a été ouvert en décembre 1996 dans une banque de Genève, la Republic National Bank of New York. Mais ce compte a été clôturé en décembre 1999 avec le rapatriement de 348 000 €. Et quelques jours plus tard, cet établissement était racheté par HSBC.

« M. Malkovich n’a jamais signé un seul document HSBC », démontre Me Julia Minkowski. « On ne comprend pas ce qui a pu laisser penser aux journalistes qu’il était lié à une fraude mise en place en 2006. Le manque de sérieux et la mauvaise foi sont manifestes. Aucune question n’a été posée à John Malkovich. On a jeté son nom en pâture dans la twittosphère… »

La partie civile réclame 300 000 € de dommages et intérêts en raison d’un préjudice moral « considérable ».

La procureure Annabelle Philippe est au diapason. « Les journalistes ont cédé à la facilité d’avoir quelque chose d’un peu croustillant. Un nom qui attire l’œil, qui brille. Ça fait people, ça croustille. Le propos est incontestablement diffamatoire. »
Le réquisitoire détonne : dans les affaires de diffamation le parquet protège le plus souvent la presse.

« Des cris d’orfraie »

Me Bigot, l’avocat du journal, contre-attaque : « On aurait aimé d’autres explications à cette barre que des cris d’orfraie. Le compte a été clôturé. Et alors ? En quoi cela permet de dire que M. Malkovich n’était pas sur les fichiers ? Vous ne pouvez pas demander à un journaliste de considérer qu’investir en Suisse est un modèle de vertu. »

Après la vertu, un peu de droit. La plainte de M. Malkovich ne vise qu’un seul propos : l’apparition de son nom dans les listings. Le tribunal doit seulement examiner cet élément et aucun autre, insiste la défense. La plainte ne vise pas la suspicion de fraude fiscale.

Enfin, les journalistes du Monde avaient recueilli et publié dans l’édition papier la réaction du comédien :

« L’acteur américain John Malkovich a affirmé ne pas avoir connaissance du compte à Genève qui porte son nom. »

Pour l’avocat du Monde, MM. Davet, Lhomme et Dreyfus, sont victimes d’une « procédure à l’américaine » : « On le voit dans les demandes, on veut de l’argent ! », se désole-t-il.

Condamnés

Le 7 octobre 2016 le délibéré tombe. Le journal Le Monde et ses journalistes sont condamnés pour diffamation. Un rectificatif devra être publié en une du quotidien et sur lemonde.fr.

Gérard Davet et Fabrice Lhomme sont chacun condamnés à une amende de 1 500 €, le directeur de la publication à 1 000 €.
Ils devront aussi verser solidairement 10 000 € de dommages et intérêts à John Malkovich. Ils font appel, mais le 24 mai 2017 la Cour d’appel de Paris confirme la sanction.

 

Photo : Darwin Bell sur flickr

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