Une toute jeune femme, blonde, mince, à l’élégance délicate, se tient seule sur le banc de la partie civile : « Quand on m’aborde dans la rue, je panique et je pleure facilement car ça me rappelle ça… »
Elodie a 18 ans au moment des faits : dans la nuit du 1er mai 2007 elle quitte ses amis pour rejoindre une soirée. Un automobiliste l’interpelle et lui demande son chemin. Hakim, 33 ans, engage la conversation, il gagne la confiance d’Elodie. Elle monte dans sa voiture pour le guider jusqu’à République. Mais parvenu à la place, il poursuit sa route… L’automobile s’éloigne, franchit le périphérique puis finit par stopper devant un centre sportif.
« Il est devenu vraiment violent »
Elodie est désorientée, elle a peur mais elle entrevoit des gens dans le local sportif et accepte d’y suivre Hakim. Il l’entraîne jusqu’à une pièce dont il ferme la porte et baisse les stores. Comme elle proteste, il devient froid, autoritaire, violent.
« Il me parlait de sexe, raconte-t-elle dans sa déposition. Je lui ai dit que je ne voulais pas parler de ça. Il a commencé à parler de sports de combat et de technique d’étranglement. Je me suis mise à pleurer. Il est devenu vraiment violent ».
Il essaie aussi de la caresser, pose sa tête sur l’épaule d’Elodie. Puis change brutalement de registre pour lui proposer crument et avec insistance une relation sexuelle.
Elodie parvient à créer une diversion : elle sort de son sac un téléphone mobile trouvé dans la rue et l’offre à Hakim. Une négociation s’engage : Elodie abandonne le téléphone et promet de retrouver Hakim le lendemain près d’un Mac Do. Hakim la ramène à Paris et la dépose devant une discothèque, en bord de Seine. Elodie est libre de rejoindre ses amis. Mais pas encore en paix.
« Je ne suis pas quelqu’un de normal »
Dès le lendemain, seul au Mac Do, Hakim l’appelle à plusieurs reprises. « Je voulais la revoir », s’est-il justifié devant les policiers. Eux poussent leur enquête en contactant les nombreuses femmes inscrites dans le répertoire de son téléphone. Certaines reconnaissent avoir été harcelées mais ne veulent plus lui être confrontées. L’une raconte aux policiers avoir passé une nuit terrorisée à ses côtés, dans un hôtel, puis avoir subit des appels obscènes.
« – C’est vrai que je l’ai appelée.
– Pourquoi ? interroge la présidente.
– Parce que j’avais un forfait qui me permettait d’appeler gratuit.
– Pourquoi en pleine nuit, toujours en tenant des propos obscènes?
– Parce que je ne suis pas quelqu’un de normal. »
Hakim a déjà été condamné en 2006 pour agression, en 2007 pour vol. Et le lendemain de l’audience il se rendra encore à une confrontation dans le cadre d’une autre affaire d’agression sexuelle. Il est éducateur depuis 2 ans et entraîne de jeunes garçons au football. Le reste de son temps, il le passe dans le local de l’association. Avant, il a été joueur de foot lui-même, puis auxiliaire de vie dans une maison de retraite. Le psychologue qui l’a rencontré pendant l’instruction note un haut niveau intellectuel, pas de trouble psychologique avéré, mais une fragilité : « une image de soi fragile, un réél égocentrisme, une relation aux femmes peu aisée ».
« Vol au-dessus d’un nid de coucou »
A l’audience, la présidente met brièvement en lumière un évènement dans l’enfance d’Hakim. Il a été placé en famille d’accueil :
« – Longtemps ?
– 3 ans.
– Pourquoi ?
– Très jeune, j’étais asthmatique. Je ne pouvais pas vivre dans l’appartement, le temps que me parents trouvent quelque chose.
– Où en êtes-vous maintenant ?
– En détention je suis responsable de la lingerie. J’ai demandé un placement en psychiatrie de Fresnes pour une thérapie de groupe ; ça fait deux mois que j’ai des groupes de parole tous les jours. Je comptais mener à bien cette thérapie car j’en ai marre des aller-retours en prison et de faire des victimes. La demoiselle a été choquée, ce que je n’avais pas compris le jour des faits. J’ai été indigne. J’ai énormément appris sur moi-même depuis.
Plus tard il ajoute :
– Si aujourd’hui je ne nie pas les faits et les avoue devant toute ma famille, c’est parce que j’ai envie d’avancer.A l’UPH, on est mal vu. Si je suis là c’est pour Mademoiselle. Elle a bien fait de porter plainte car ça m’a arrêté. Dès ma sortie, il n’y aura pas de réitération. »
L’UPH, l’Unité psychiatrique hospitalière de Fresnes, « c’est vol au-dessus d’un nid de coucou, poursuit son avocate dans une plaidoirie au débit frénétique. Il y a des gens qui tournent là-bas, la tête baissée. Quelle est la solution ? Il a encore un an de prison à purger là-bas. Sa seule possibilité d’avancer, c’est de l’accompagner dans les soins, de prendre en compte que la peine que vous prononcerez s’additionnera. Je vous demande de l’assortir d’une peine de sursis avec mise à l’épreuve. »
Auteur d’infractions sexuelles
La peine est au contraire conforme aux réquisitions de la substitut du procureur : Hakim est condamné à 4 ans de prison ferme et il sera inscrit au Fichier judiciaire national automatisé des auteurs dinfractions sexuelles (FIJAIS). La peine est assortie d’un suivi socio-judiciaire de 5 ans et d’une injonction de soins de 2 ans. Le suivi implique l’obligation de répondre aux convocations du juge d’application des peines et de recevoir un travailleur social.
Pierre Anquetin